lundi 8 août 2011

Dans ma ville, par Paule Mangeat














Dans ma ville


Il y avait la vieille et ses pas hésitants sur le trottoir.
Il y avait le ciel et une cabine téléphonique.
Il y avait des graffiti sur le mur et un homme et un chien et une bouteille, en laisse.
Il y avait le bitume bien dur et une folle un peu rouge.
Il y avait un papillon des villes et c'était le printemps.
Il y avait un coquelicot des champs mais c'était la ville quand même.
Il y avait des tronçons d'autoroute, mais c'était plus loin.
Il y avait l'été sous les jupes des filles.

Dans ma ville.

Il y avait des arbres avec des feuilles, mais pas tout le temps.
Il y avait des fils électriques et des vélos sur la béquille..
Il y avait le monde et c'était l'hiver.
Il y avait le bruit, mais l'oiseau était là, l'écureuil aussi, sans laisse.
Il y avait un homme politique et une danseuse du ventre, c'était en janvier.
Il y avait la dernière cigarette de l'homme et le premier souffle du bébé.
Il y avait le soleil et les coquillages sous le béton.
Il y avait le bouquiniste et le poème, sans laisse.

Dans ma ville.

Il y avait les jours de la semaine qui défilent, mais plus lentement, et la bouche d'égout.
Il y avait les pompiers et l'incendie et des jeux d'enfants.
Il y avait la femme au chapeau et la femme aux bottes et la femme aux hommes.
Il y avait la lumière du jour et les fenêtres ouvertes, mais le banc était vide.
Il y avait les loups dans la ville, et la statue fière.
Il y avait la lune aussi, mais sans emphase.
Il y avait la petite fille et ses rêves et l'homme sans avenir.
Il y avait la vie qui continue et mon père sur la photo.

Dans ma ville.

Il y avait un goût de regret sous les pétales du Maroc.
Il y avait des bougies et des comédiens de rue.
Il y avait des pique-niques et les montagnes autours.
Il y avait des flammes politiques et des révoltes populaires.
Il y avait des concerts partout et des pères qui meurent quand même.
Il y avait une falaise et l'ombre sous les pieds de la femme.
Il y avait de la brume et l'eau était belle.
Il y avait une odeur sucrée et l'orage d'été.

Dans ma ville.

Il y avait sa peau aussi, parfois, sous le sable.
Il y avait le sourire qui vient mourir sous la glace.
Il y avait l'eau qui monte au ciel et des murs sous les racines des arbres.
Il y avait un bouquet de fleurs et une femme qui attend.
Il y avait de l'amertume sous la langue de la vieille.
Il y avait son corps qui courait et le cri dans la nuit.
Il y avait une petite fille et une robe à fleurs et le temps qui passe..
Il y avait les hommes qui se battent et la pluie qui nettoie le sang.

Dans ma ville.

Il y avait un baiser qui se perd et des carcasses de caresses vides.
Il y avait une terrasse animée et une histoire à écrire.
Il y avait trop de monde pour lui, elle rêvait d'un autre, il voulait partir.
Il y avait l'odeur d'une église et ses mains dans la glaise.
Il y avait six lunes déjà et un regret sur le bout de sa langue.
Il y avait l'oiseau qui migre, et l'éléphant et la girafe et c'était le cirque.
Il y avait des lèvres entrouvertes et des rêves qui s'échappent.
Il y avait comme une passion, mais c'était hier.

Dans ma ville.

Il y avait de la tristesse dans sa voix et des peaux animales.
Il y avait un homme qui patiente, un homme qui fait des promesses, un homme qui pleure, parfois.
Il y avait des cailloux sur le chemin et la mort qui rôde.
Il y avait le soleil qui tombe en flocons sur les toits et les marécages sous ses bottes.
Il y avait le bruit des talons et le fruit défendu.
Il y avait la drogue dans les rue et l’homme qui rigole très fort.
Il y avait la première étreinte et le dernier regard.
Il y avait la femme qui écrit et le monde autour.

Dans ma ville.


Paule Mangeat

1 commentaire:

  1. Quelle belle expression énumérée de la vie, au jour le jour, nuit après nuit, avec tous les détours qui composent les partitions sublimes de la passion.

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