mardi 5 juin 2012

Le luth est orphelin, papa, par Kader Rabia (à Cheikh Imam)



Le luth est orphelin, papa

Je sais que tu ne dors que d’un œil
Pour empêcher nos yeux de se dérober
Cheikh, on continue de prostituer l’art
L’instrument n’est plus ce caillou gênant
Que tu manipulais avec sourire
Dans la chaussure de Chahrayar
Pour que le roi souffre d’insomnie
Et que le pauvre danse malgré la peine

Cheikh,
On continue de bâtir des palais
Aux côtés de temples assassins des prairies
Afin que le peuple continue de prier
A chaque fin de prière, à chaque fin de rêve
Et l’ennemi se confond avec nos ombres
Cheikh,
Guevara voyage comme une marionnette
Dans le métro de la mode et de l’exode
Ne se rappellent de son prénom
Que les fabricants de manifs
Et les nostalgiques d’avenir comme moi
Cheikh,
Les jeunes ne composent plus d’hymnes
Qui invitent le fellah et le trottoir
Ils apprennent à l’école
Comment faire la guerre aux cousins
A travers stades et tabloïds
Cheikh,
Les usines d’effacyls de mémoire
Tournent à fond jusque dans nos ergs
Des Nixon baba se multiplient comme des barby
Les imams mangent la taamia et le couscous
Avec les rabbi, de Marakech à Abou Dabi
Cheikh,
La mort n’occupe pas seulement la terre
Elle habite nos cerveaux
Et s’attaque à mos mères
Elle bouffe nos yeux
Et étend les jambes sur nos mers
Cheikh,
Israël sait aujourd’hui accompli
Ce que tu as pointé du doigt
Du luth, de la voix et du rire narquois
L’ennemi sait qu’entre sa barbarie
Et la colère des gueux
Les sultans veillent au grain
Et on continue, cheikh
A écouter les roses chansons de Fayrouz
Et d’autres minettes et minets
Que tu ne connais pas
Et on continue, cheikh
A remplir des poèmes boiteux
D’armées de houris
A se balancer du cul
D’est en ouest
Entre un raid injuste
Et un bombardement sauvage
Il y a de la merde dans les oreilles, cheikh
Et les arabes ne fabriquent plus
De produits nettoyants
Ni de doigts capables
D’accompagner la colère des luths populaires.

Kader Rabia
Paris, juin 2010

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