samedi 11 août 2012

Chants du berceau, par Jean Amrouche















Chants du berceau



Jean Amrouche écrivait en introduction à ces chants :

En  donnant  ces  chants berbères au public  j'ai le
sentiment  de  livrer  un  trésor privé,  de me dessaisir
d'un  bien  de  famille. Mais  il  n'est  pas de meilleure
manière de préserver  de la  destruction une  richesse.
Aussi loin que  j'essais de remonter le coursde ma vie,
le  moindre  événement  qui affleure à ma mémoire est
accompagné du  bercement  des chants de  mon pays...
  



Chant 1 :

Bienheureux qui pourrait te suivre,
O lune !
Il prendrait passage sur ton navire,
Il aborderait près du bien-aimé,
Et partagerait son déjeuner.

Bienheureux qui pourrait te suivre,
Étoile !
Il voguerait par le clair de lune,
Il aborderait près du bien-aimé,
Et partagerait avec lui le repas du soir.

*

Chant 2 :

Mes yeux pleurent des fleuves de larmes
Sur la montagne aux chênes zens,
Et sur la source des bûcherons.

Salut ma fille, l'abandonnée;
Qui me dira ce qu'elle est devenue ?
Depuis son départ mes yeux la cherchent.

Je vous dis adieu, ô mes seigneurs,
A vous aussi, monts des Aïth-Irathen :
Dieu tout-puissant est au-dessus de vous.

*

Chant 3 :

Emporté par un vent de révolte
Mon enfant fuyait sur les routes.
Les gendarmes l'ont arrêté.

Compagnon du Soleil-Levant, oiseau,
Fends les cieux de ton vol puissant,
Puis, pose-toi sur son épaule.

Pour lui je souhaite un lit de plumes,
Sous sa tête un oreiller de musc;
Et qu'il s'endorme parmi les parfums.

*

Chant 4 :

Sois-lui clémente, ô ville aux mille tours !
Veille bien sur le nouvel arrivé.

Je t'en prie, nourrie-le, couvre-le,
Fais en sorte que ses jours soient heureux !

Comprends-moi : il est encore petit enfant
Accoutumé à la tendresse des siens.




Extraits de : Jean Amrouche, Chants berbères de Kabylie, Éditions Charlot,
Collection Poésie et Théâtre, sous la direction d'Albert Camus, Alger, 1947

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