dimanche 23 décembre 2012

Lettre à Che Guevara entre lune froide et fusil, Par André Laude.














Illstr. H.C.Bresson



Lettre à Che Guevara entre lune froide et fusil


Il n’est pas de jour Ma fleur de sang
que je ne touche
dans le temps froid de la contemplation
tes os généreux ton sourire de sierra assassinée


Ici, en Europe, nous continuons à vivre. Nous
faisons mille et mille gestes
nous aimons des femmes nous les blessons parfois
et parfois elles laissent des cadavres dans nos chairs
Ici en Europe nous continuons à discuter
nous écrivons des tas d’articles
des manifestes pour la révolution violente
nous signons des protestations.
Tu sais depuis que tu es de l’autre côté de la montagne
sur le versant le moins éclairé
on torture toujours on tue et des guerres succèdent aux guerres
Guerres locales disent les commentateurs pour rassurer le peuple

Parfois un garçon Il s’appelle Andreas Baader
grand cœur et mauvais marxiste
las saisit l’arme et frape à la tête le mal
et toutes les rues aboient contre sa jeune lumière
Ici, en Europe, nous continuons. Nous
grimpons des étages. Nous regardons les marchandises
dans les vitrines des magasins. Nous lisons des revues
des bandes dessinées Nous allons au cinéma voir
le dernier Godard, le dernier Fellini
et à l’entracte nous achetons des glaces car
c’est l ‘été maintenant et Paris est irrespirable.
Pendant ce temps toi tu t’enfonces plus profondément
Dans la terre Tes yeux s’enfoncent et tes lèvres moqueuses
Et ton flanc et tes mains et tes organes morts
Pendant ce temps toi tu épouses lentement la terre

Une part de toi dans la terre Une part de toi dans mes entrailles
et tu t’enfonces ici et là
Mais dans nos pays on ne t’oublie pas :
Sur les posters tu as l’air terriblement vivant
Fleur de sang
Fleur de sang.
André Laude

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