dimanche 10 mars 2013

Exils, par Kader Rabia

Tenu par le pied
Thomas Duranteau, Acrylique sur papier kraft marouflé sur bois. Extrait de son site :
http://www.thomas-duranteau.odexpo.com  




















Exils

1
S’exiler c’est refuser d’être banal.

2
On est étranger quand on a une démarche d’intrus
On devient exilé quand on n’a plus aucune démarche.

3
J’ai approché une ombre
Elle m’a demandé mes papiers.

4
L’exilé évite de poser des questions
A quoi bon ?


5
Je reconnais facilement les miens
Ils traversent toujours en diagonal

6
Plutôt que de te suicider
Va au fond de ta nostalgie

7
Avant, j’avais dieu sur mon chemin
Aujourd’hui, je côtoie son fantôme

8
Je regarde bien le mur de demain
Mon nom n’y est pas

9
Là où tout semble fluide
Moi je contourne l’objet

10
Dans l’obscurité totale
On rase les murs
Comme des blessés de guerre
Au pied d’insoutenables ruines

11
Loin de chez soi
Plus besoin de miroirs
On se scrute
dans le visage de l’autre

12
Sans me rendre compte
J’ai changé de mélodie à mes syllabes

13
Souvent sur la page blanche
Viennent me surprendre
Les géographies lointaines

13
Ce n’est qu’à l’hôpital
Et dans certains bars
Que je rencontre mes sosies

14
L’étranger poète
Comme l’étranger pieux
Demeure inconsolable
Pas pour les mêmes raisons

15
Tous les exils s’effacent
Sauf celui qu’on enfouit
Dans la mémoire

16
Avant, il fallait traverser les mers
Aujourd’hui, il suffit d’écouter son voisin.

17
Partir, c’est chercher le  grand espoir
Revenir, c’est enterrer ce qui en reste

18
L’exil a toujours nourri les hommes
L’homme un jour tuera tous les exils

19
Avec l’âge on aime s’approcher des fenêtres
Elles nous content les souvenirs lointains

20
Tout est écrit
Hormis les trajectoires de l’exil

21
Tout se guérit
Sauf le mal invisible laissé par nos traces
Sur les territoires inconnus


Kader Rabia

3 commentaires:

  1. Exil

    mots des mots
    démons téméraires
    mots
    pris dans la colère
    pris dans la glaise des chemins

    lointaines prières

    revoir le ciel bleuté des zébrures d’amour

    tristesse déchaînée
    aux anneaux arrachés des martyrs

    révolte lente

    mémoires

    trois doigts arrachés
    à la mitraille
    dans les ruelles éventrées
    des combats

    je te revois
    au bout du chemin
    sur ce trait
    des crêtes encore enneigées

    dans tes yeux
    le sang
    des affamés
    le sang des condamnés

    exil

    Patrick Aspe

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  2. Mabrouk pour votre blog que je viens de découvrir.
    Beaux vers et réflexions sur l'exil.

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  3. c'est dans ces mots que je retrouve mon"sosie"... moi aussi, je "traverse toujours en diagonale" . Merci Kader pour cette thérapie par les mots.
    mestafa G'idir

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