vendredi 26 février 2016

"Pour toi l'arbre, des fleurs" par Fatima Maaouia

"Arbres" - Faouzi Maaouia

“Pour toi l’arbre, des fleurs...”

Quand l'eucalyptus,
Graines lait pollen Beauté et Liberté
Pleines d'Hannibal
A coulé, scié sous les forces du mal
Quand le lait du fier Itinéraire Lumière
Chevalier, Apôtre du Vert
Être Ancêtre, Saint d’Afrique,
Pour donner
Sans compter
Force, vitalité
Bien être
A toute la contrée
Et en sus
Ce qui ne gâche rien,
A tout le terrain
Un air, mine de rien
De Kahena et d'Ulysse...
A coulé sous le fer
Éclaboussant au passage
Le visage de la terre
Quand Mémoire Émasculée
Le lait...
Du juste et du grand sage
Qu'on pouvait toucher et humer
Qui par une sorte d’héritage
Protégeait, ombrageait
Et embellissait le paysage...
A coulé Égorgé
Sur le trottoir...
De canton en canton
Se remémorant Scipion
Tout Carthage,
Jet brûlé,
A pleuré


Les arbres...
Au lieu de s'occuper d'eux
On les sabre et coupe en deux
L'eucalyptus de Carthage
Saint patron des lieux ?
En passant
On lui doit bien une stèle passion
Comme à un dieu
De telle façon que le passant
Témoin du temps et du carnage
N'oublie pas un instant son sang
En passant

L'eucalyptus de Carthage
Elan Grand
Passionné d'Eole

Et de chants
Malgré le sel et l'abattage
D'âge en âge. ..
Sous écorce
Tout un symbole !
Déraciné de force
Du sol
Même Mort
Grandit encore
Plus, plus
Plus loin que Tunis
Dépasse
L'impasse
De l'oubli,
Fait école
Dans chaque esprit
Surpris
Essaime, fait des petits




Fatima Maaouia
24/02/2016





jeudi 18 février 2016

"Parole de Poète" et "Via salutis" de André Chenet













Parole de poète

Que la poésie ne soit jamais ton métier, ami
Qu'elle t'accompagne, te mûrisse, t'épouse, t'étrangle
Qu'elle te soit étoile du matin, démon, herbages couverts de givre
mésange voletant ou cri de milan
Qu'elle te soit chemin ou monastère ou étreinte
roncier ou chute de reins
Qu'elle te soit du matin au soir et de toutes tes nuits
Qu'elle te soit baiser, idole de ton enfance, souvenir à réparer
Qu'elle te soit l'abîme d'où éclôt ton chant
ou bien ruisseau, simple fleur des champs
Que la poésie ne soit jamais ton métier, ami
couve-là dans le nid de ton univers
Donne-lui de quoi te faire naître
Protège-là car elle est blessée
d'avoir eu à prononcer tant de mots immortels
Chois-là quand tu as envie de l'insulter de la mordre
Ouvre-lui tes veines et ton coeur
Prends sa main de magicienne toi petit crapaud des rues
fais-lui dire combien elle t'aime et toi dis-lui tout
Qu'elle te soit soleil pour la vie.

La Colle s/ Loup, le 17 décembre 2014





Via salutis

"L'étoile de l'éternité
destine sa clarté
à qui peut croire 
et trouver"

Francis Picabia

Je suis ce squelette monotone
qui marche sur la grand' route
par les minuits de pleine lune
ou cet épouvantail de brume
qui cause avec les corbeaux
de la fin de l'automne
un saint François d'Assise debout
dans un taillis profane
un croisé au Coeur de Lyon
souriant au milieu des terres incultes
un saint Louis sans royaume
qui porte son chêne dans sa chair
brigand désabusé qui amuse les enfants
et fait fuir toutes celles qu'il aime
je m'appelle Gueule d'Amour
ou Gaël ou Pinoccio ou Petit Prince
j'ai vécu d'amour et d'eau fraîche
dans la réalité de l'arrière-pays
que je quitte ce soir
pour rejoindre les enchanteurs.


jeudi 4 février 2016

Version kabyle de "Pépin germé dans la boue" de Kader Rabia

Fleur-sur-Mur, défier la vie - Sonia LOUNIS © Tous droits réservés



Aɛeqqa yemɣin deg uɣbir


Si zik i yi-tezdeɣ tẓuri
d waddud n lexyalat
Si zik i saherweɣ tuyat
i tibbuhbelt n yemdanen

Si zik d taqeṭṭiḍt ubiṣar
deg umennuɣ n yimeqranen
si zik d aɛessas 
n yessetma d nnif
si zik s tceṭṭiḍt fessusen
wer aɛewdiw wer aɣrum
Si zik bennuɣ akken d-tusa
tazeqqa n lejdud
Si zik teẓẓuɣ qelɛeɣ 
lebṣel d ibawen
D amwanes n tleqqamt yuɣen
n iɣzer yeswayen tudert
Si zik i yi-tezdeɣ tayri
n usefru d tullas yeǧǧuǧugen
Si zik i meggreɣ
irden n wakal azeggaɣ
d usefru yettinigen
Wer ɛggu
kkateɣ ajewwaq yennuɣnan
slufeɣ i usertu n uzekka
d amedyaz n imeɣban 
n warraw n imeɣban
d nnbi i wumi yettwaru wawal
si zik, 
i lebda,
d axalaf n wakal n lejdud
d aɛeqqa yemɣin deg uɣbir
ɣer tagara sawalen-iyi win i tettun lxir
Iblis yenɛel Rebbi
imi ugiɣ ad buṭiɣ
i yilem d txidas


 Tasuqilt sɣur Sunya Lewnis d Qader Urrabiɛ


Pépins germés dans la boue


Tôt disciple de l’art
Du déplacement des ombres
Tôt souffre-douleur
De la connerie des autres

mardi 2 février 2016

Constat en prose décousue, Par Kader Rabia




Constat en prose décousue/ Kader Rabia


Chaque année, chaque cycle
Je me dis :
Enfin je vais m’occuper de moi-même
Je me retape je me recycle
Et chemin faisant…
De mes tentes dressées le long des tordus parcours
Sortent des chants comme des règles,
Rappels de mes déboires, fiascos de mes détours

Harmonie illusoire
Frêle synchronie de mes pas lourds
Je redeviens l’apollon vissé au sol
A la merci des regards des femmes déçues
Je redeviens l’insoumis sans boussole
Insensible aux rendez-vous perdus
Je redeviens la Putain aveugle
Dont les hommes ne cessent de déchiffrer le langage
Et les tatouages décousus
Je redeviens Léon le Numide
Ex redresseur de torts, de Tlemcen à Rome
Aujourd’hui Lambda visible de Gibraltar à Oslo
Je redeviens Melquiados, attendu dans les chaumières
Et les vergers mal entretenus
Où des enfants ont toute l’année peur et froid
Je redeviens une potion de contrebande
Accessible mais peu rassurante
Je redeviens le sel que j’ai déjà été
Présent à chaque retour de saison
Dans les baluchons des caravanes têtues
Je redeviens le son de la flûte
Demeurée triste depuis la capture de Jughurta
Invariable depuis le règne paisible de Tin Hinan
Comme un rayon de lumière
Posé sur le coin d’un vieux piano
Orphelin, délaissé et poussiéreux



Notes :

*La putain aveugle: poème de B.C.SAYYAB
*Melquiados: personnage de G.G.Marquez